Le café psycho d'Angers 

compte-rendus  des soirées

sites, lectures, psycho à Angers

productions des participants,  arts graphiques, écrits, photos....

ce que la presse en dit...

Groupes de parole

 

 

Coordonnées de l'association

Les membres du bureau:

Allard Vanessa, psychologue clinicienne

Baudouin Rémy, formateur en communication, formé en thérapie éricksonienne

Neau Pierrette, formatrice consultante, psychothérapeute

 

Le projet de l'association pour 2003

 

Projet de Création  d’un groupe de parole sur l’axe de la parentalité dans  le quartier Pasteur/Grand Pigeon/Daguenet

   Aujourd'hui ce projet à débouché sur une nouvelle forme: le café citoyen :

http://site.voila.fr/cafecitoyen/association.htm

Voilà quelle était la réflexion initiale :

 

Centre Marcelle Menet et Association Café Psycho.  

Le Centre culturel Marcelle Menet  avait mis en place depuis deux ans un groupe de parole nommé jusqu’alors BULLES. Constatant la faible participation de la population du quartier à cette initiative.  Amadou Sow, directeur du centre, a accepté de rencontrer l’Association Café Psycho, porteuse d’un projet de création de groupe de parole sur le quartier. 

L’Association Café Psycho a été crée le 17 janvier 2001, pour donner un cadre juridique a une initiative existant depuis mai 2000.  Elle avait consisté en la création d’un lieu de parole dans un café bar brasserie, Le P’tit Anjou, 6 rue Thiers à Angers. Les réunions se tenant tous les mardis soir à 19h30. Les initiateurs en était Rémy Baudouin, formateur et Evelyne Sara Schreier, psychothérapeute. Le principe d’animation de la soirée est celle d’une parole libre sur soi. L’esprit général de la démarche pouvant se résumer comme suit :  « Le but du café psycho, ce n'est pas de faire parler des "experts" sur tel et tel sujet mais de faire en sorte que chacun, par le partage de son expérience, se reconnaisse comme expert de sa propre vie. Nous évitons les interprétations sauvages. Nous essayons de créer un climat d'écoute bienveillante afin que le groupe de parole soit mis à profit par chacun pour reconstruire son estime de soi. Même si nous essayons de ne pas être dans la "plainte" systématique, les expériences douloureuses aussi peuvent-être partagées. Et si nous mettons le Café Psycho sous le signe de la créativité en y invitant des artistes locaux, c'est aussi pour que le dire puisse déboucher sur l'agir. »[1]  

Sur la base de ces principes d’un cadre relativement informel, où l’objectif n’est pas la thérapie mais le croisement des expériences de chacun dans un climat de respect et de convivialité, une fréquentation régulière s’est installée qui  a  amené environ une trentaine de personnes tous les mardis soirs. Le public en est assez varié, des hommes et des femmes (une majorité de femmes cependant à la plupart des soirées) de tous ages et de tous milieux, avec un noyau d’habitués assez régulier mais ayant lui aussi tendance à se renouveler. Des étudiants, des rmistes, des cadres, des personnes qui arrivent sur Angers, des infirmières, parfois des psychologues etc.  Ce qui a été  flagrant c’est la constitution assez rapide de réseaux de convivialité autour du groupe. Les gens se revoient après le Café Psycho, ils organisent des randonnées, des dîners entre eux. Certains se donnent des coups de main pour diverses choses. 

 Notre positionnement est celui de l’éclectisme, essayer de croiser les approches sans les opposer, dépasser les débats d’école. Nous entrons assez peu dans les débats théoriques, ce n’est pas l’objet des soirées, mais il arrive que  certaines prise de parole aillent dans ce sens.  En tant qu’animateur, nous en appelons essentiellement au relativisme des positions et à l’esprit critique.

La presse locale communique régulièrement  sur les soirées ce qui nous permet d’avoir cette régularité d’audience.  Jusqu’ici, nous avons mis en œuvre une co-animation. Evelyne, en tant que thérapeute, reste dans un rôle plus neutre.  En  tant que co-animateur je m’implique assez régulièrement en faisant part de mon expérience  lorsque j’en ressens le besoin. L’idée étant de ne pas se poser en expert, mais plutôt d’être à parité avec les personnes de l’assistance. Je revendique ce positionnement impliqué de la recherche que j’ai mené en histoires de vie lors de ma maîtrise en Sciences de l’Education.

            « L’histoire de vie est alors envisagée comme une pratique actualisant le renversement des modalités habituelles de production de savoir. Non seulement, le sens s’élabore dans un mouvement d’échange entre les participants, mais l’animateur de ces groupes ne propose pas de modèles d’interprétation univoque, considérant chacun comme seul expert de sa vie et donc susceptible d’en interpréter les éléments. »[2]

Le positionnement  de l’animateur et son rapport au savoir m’apparaissent comme des facteurs déterminants dans tout ce qui peut se jouer dans la relation entre les participants et l’animateur.  « La recherche conclut avec un constat : ce n'est pas la pauvreté qui génère la honte, mais les violences humiliantes engendrées par la misère, certaines formes d'assistance et plus généralement les rapports de domination. »

« V. de Gaulejac rapporte dans ce livre les propos de P. Bourdieu dans un colloque sur la pauvreté en 1991 : "La sociologie était un refuge contre le vécu. . . Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre que le refus de l'existentiel était un piège. . . Que la sociologie s'est constituée contre le singulier, le personnel, l'existentiel. . . " [3].

            Ce sont donc ces constats et ces réflexions ainsi que leur confrontation avec la recherche en Sciences Humaines qui fondent notre pratique d’animation de groupes de parole. Nous y ajoutons une préoccupation d’ordre social et conscientisatrice.  Il importe de s’interroger sur ce qui vient après la parole. En effet, comment faire en sorte que le « dire débouche sur l’agir »[4] ? Et notamment, un agir collectif qui redonne du pouvoir sur leur vie à ceux qui s’en sentaient privé.

 2 Le projet Café Cause-rit

          

            Nous avons donc fondé l’Association Café Psycho, avec des participants des soirées.  Nous avions  l’idée de transférer l’expérience initiale dans d’autres lieux et de l’inscrire dans le cadre d’une action plus vaste avec une visée de développement social local. Lorsque j’ai contacté le Centre Marcelle Menet, qui se trouve à cinquante mètres de chez moi. J’ignorais qu’une expérience avait  déjà été menée dans ce sens. Lors des premières réunions avec les responsables du Centre, ceux-ci ont évoqué que la formule d’animation précédente n’avait pas trouvé l’adhésion des quelques participants. Le principe établi y était celui de la communication de recettes pour devenir de « bons parents ».  Dès lors, j’ai commencé à m’interroger sur la façon de procéder et assez rapidement je me suis dit que je devais me positionner en tant que parent moi même avec mes propres difficultés. J’ai cinq enfants dont trois garçons adolescents et  je ne peux pas prétendre connaître de recette miracle. Partager mes propres doutes avec les participants pourrait les inciter à  parler de leur situation.  Le but n’est pas d’être dans un face à face assistance/animateur, mais de provoquer les interactions entre les participants. Alors que je menais ces réflexions je tombe « par hasard » sur un texte de Maria Maïlat, socio-anthropologue qui travaille précisément sur cette thématique, je la cite ici :

« La position d’un expert, seul capable d’écouter et de maîtriser le contenu des échanges dans un groupe de parents, entraîne généralement les conséquences suivantes : d’une part, l’expert est acculé à une place impossible et, d’autre part, le groupe est infantilisé voire poussé vers une déresponsabilisation par rapport à l’écoute (puisque l’animateur est seul formé à écouter et puisque l’écoute devient une affaire d’expert.) »[5]

Non seulement je trouvais un fondement théorique à une pratique d’animation que je mettais en œuvre intuitivement, mais qui plus est, je trouvais le travail d’une chercheuse ayant spécifiquement analysé les pratiques d’animation des groupes de parents. Elle me confortait également dans l’idée que j’avais de chercher ce que je nomme « la parole résiliente » : cette parole qui rend compte de la faculté du sujet à surmonter par lui même ses épreuves. « L’analyse des pratiques d’animation des groupes permet de mettre en évidence que, plus on oriente les échanges vers l’évocation de la souffrance individuelle, vers des situations conflictuelles ou pathologiques, plus le groupe avancera dans ce sens. L’écoute et les compétences de l’expert agissent comme un catalyseur d’un certain type d’échanges et d’interprétation de ces échanges dans le groupe. Cet aiguillage vers un contenu problématique par l’expert animateur débouche sur une « ruineuse conséquence », à savoir que « ce qui a déjà été maîtrisé ne peut plus l’être, et que le trop de maîtrise (sous la forme de l’exclusion mais aussi de l’objectivation) prive de la maîtrise (sous la forme de l’accès, de la connaissance, de la compétence) » Autrement dit, le mieux est l’ennemi du bien. »[6]

Fort de cette expérience non formalisée, mais dont le début de formalisation me confirmait, que ce qui fait la force de l’animateur, c’est de reconnaître sa faiblesse d’humain, je commençais donc à travailler sur ce projet de groupe de parole autour de la parentalité. Assez rapidement, nous nous rendions compte avec Amadou Sow et Manuella Lambert (animatrice du centre), que si le mot Café évoquait bien l’ambiance conviviale que nous souhaitions ; le terme psycho, lui, posait problème.  « Nous ne voulons pas parler de thérapies, nos participants ne sont pas malades. » m’avait dit Amadou lors de notre première rencontre. J’étais bien d’accord avec cette remarque et nous commençâmes à chercher un nouveau nom pour notre groupe de parole. C’est finalement le  titre de Café-Cause-Rit   qui retint notre préférence à l’issue d’un brain storming intense. Pour le centre Marcelle Menet, il importe que le groupe de parole puisse déboucher sur des actions entre parents ou entre parents et enfants. Cela pourrait être un atelier, une sortie, visionner un film etc.

 

3 Passer du dire à l’agir

            L’expérience du Café Psycho nous montre que les moments de partage les plus authentiques sont la plupart du temps ceux qui ont lieu hors du cadre formel : à la pause ou après la séance, pendant le repas. C’est à ce moment là que les participants font vraiment connaissance. Les liens se renforcent dans la convivialité et c’est le moment où les initiatives prennent place. Une-telle parle de créer un atelier d’écriture, un tel propose une randonnée le dimanche. Ou bien, comme hier soir, le groupe se mobilise autour de la souffrance de M., 40 ans, qui vient depuis plusieurs mois et dont nous savons qu’il est fortement dépressif. Il nous a parlé de ses hospitalisations en H.P., de ses errances autour du monde, de tous les psys qu’il a « usés ».  Il nous annonce que  son psychiatre veut le « mettre à la Cotorep ». Il avait tenu des propos très macho en cours de séance, en pensant « faire de l’humour ». Les femmes de l’assistance avait  assez fortement désapprouvé.  Après le repas, le groupe s’est mobilisé autour de M. et je l’ai vu dans une parole chargée d’émotion et d’authenticité qu’il n’avait jamais eu jusque là. Ses défenses tombaient et quelque chose de très fort est passé avec les personnes présentes. « Ce que je vis là, ça vaut tous les psys, ça m’aide vraiment » a-t-il déclaré.  Alors qu’un participant lui suggérait de ne plus prendre de médicaments, j’ai du intervenir  sur les dangers qu’il y aurait pour lui à cesser brutalement ses traitements et sa relation avec son psychiatre.

     

5 La parentalité

   

            Le Café cause-rit se définit  comme un lieu de rencontre pour les parents du quartier. Le rôle de l’animateur consistera a poser un cadre d’échanges qui puisse concilier le besoin d’une parole libre, pouvant s’engager sur toutes les pistes que chacun ressentira nécessaires et celui de réfléchir sur la fonction parentale. Il s’agira de pouvoir exprimer ses difficultés à être parent, ses doutes, mais aussi d’échanger sur nos succès et nos écueils dans la fonction éducative. Il s’agira de croiser les savoirs de chacun. On partira du principe que prendre conscience de ses difficultés et les dire en groupe, c’est déjà un savoir. Écouter les difficultés et les réussites de l’autre dans le respect et sans jugement, c’est l’aider et s’aider à s’affranchir de la honte qui naît du sentiment d’incompétence. L’animateur devra donc veiller à instaurer ce climat d’écoute respectueuse en régulant les jugements de valeurs. Sa propre implication en tant que parent ou bien en tant que celui qui a eu des parents devra également instaurer un climat de parité. Ce positionnement devrait permettre de sortir de l’induction implicite que sa position d’autorité (en tant qu’animateur ), lui confère un statut de « bon parent », renvoyant par là les participants à une image dévalorisée par ce qu’ils ressentent comme des défaillances. La visée première de l’animation sera donc de restaurer l’estime de soi des parents. Graduellement, elle proposera des pistes de réflexion sur le rôle et la responsabilité de parent, sur l’autorité, sur les besoins de l’enfant, en terme de repères, de protection, de perspectives. Il s’agira aussi de sensibiliser les parents sur la nécessité de transmettre aux enfants leur histoire familiale.

 

            A terme, l’objectif du groupe de parole est de permettre de proposer des activités diverses. Les activités seront d’ailleurs rapidement proposées aux pères pour leur permettre un accès plus facile à la parole. Il s’agira par exemple d’aménager la salle ou de « bricoler » quelque chose.  J’ai pensé qu’un atelier théâtre pourrait être  très bénéfique pour permettre aux parents d’apprendre à se mettre en scène. Cela afin de se réapproprier des compétences sur le plan de l’autorité ou sur celui de la tendresse et en général apprendre à savoir reconnaître la gamme de ses émotions. L’axe créatif devra être introduit rapidement, il s’agit d’un des objectifs majeur du groupe. L’animation devra cependant veiller à ce que l’adhésion soit volontaire et que des projets émergent d’eux même.

   

 



[1] Extrait du site internet : http://www.chez.com/cafepsycho

[2] Christophe Niewiadomski, Histoires de vie et enjeux de « pouvoir-savoir » avec les personnes alcooliques, in Education Permanente n°142, mars 2000, p. 173.

[3] Art. sous la dir. De G. Lapassade, http://www.fp.univ-paris8.fr/recherches/retourdusensible.htm

[4] Maria Maïlat (CEDIAS), Groupes de parents et inscription dans la vie sociale, informations sociales n° 83, p. 58.

[5] Maria Maïlat (CEDIAS), Groupes de parents et inscription dans la vie sociale, informations sociales n° 83, p. 60.

 

[6] Iid., p. 60.